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D'ici et d'ailleurs
4 mars 2007

Basant

Basant, c’était une rumeur que j’entendais depuis plusieurs semaines : « des milliers de cerfs-volants » « Dangereux » « Mortel » « Interdit » « Fil recouvert de verre » « Tranchant comme un rasoir » « Immense fête » « Unique au monde » « Duels dans le ciel » « Accidents » « motard décapités »

Alors, nous avons pris la route pour Lahore. Route de nuit pour éviter la circulation, pour assister à la fête depuis le début. Autoroute. Puis villa de banlieue. Matelas et sacs de couchage.

Samedi midi. En route pour le centre-ville. Les motos portent d’étranges protections. Un tube en plastique qui part du guidon et s’élance vers le porte-bagage en une courbe qui passe par-dessus la tête du conducteur. Rouge. Bleue. Jaune. Vert. Les fils aiguisés à la poussière de verre glissent ainsi sur le plastique et épargne les motards. Ce n’était donc pas une légende ?

Protection

La ville est bruyante et animée mais sans évènement exceptionnel. Quelques rares cerfs-volants dans le ciel. Des enfants sans doute. Nous déambulons. Nous visitons. Le fort. La mosquée. Un magasin d’antiquités. Un restaurant Thaï (pourquoi pas ?). Rien ne se passe. « C’est plus tard. Ce soir. Cette nuit ».

Mosqu_e

20h. 21h. 22h. Les yeux se ferment. Les têtes s’inclinent. 23h, nous repartons. Un RDV devant une station service. Le guide nous entraîne vers le centre-ville. Un escalier. Nous montons sur une terrasse. Pas un seul cerf-volant. Une trentaine d’hommes assis sur des chaises. De la musique qui hurle dans la nuit. Un barbecue. Un grand gars musclé et visiblement complètement bourré danse. Il agite un fusil à pompe au-dessus de la tête. On nous donne des chaises. On nous offre des petites bouteilles d’eau minérale. A perte de vue, sur toutes les terrasses, les mêmes fêtes, les mêmes musiques violentes qui se répondent, les mêmes groupes avec leurs grillades. Des cigarettes de drogue tournent. Quelques uns sortent des révolvers de leur tunique et tirent des rafales dans le ciel. Des rasades de whisky et de vodka se vident dans les bouteilles d’eau qui servent à présent de verre discret. Sourdes détonations. Le mec décharge son fusil à pompe dans le ciel. Son copain fume cinq pétards en même temps… Une fête ? Nous éclipsons discrètement…

Dimanche midi. Banlieue bourgeoise. Zone militaire. Familles endimanchées. Enfants émerveillées. Portique détecteur de métaux et fouille à l’entrée du parc. A l’intérieur, une kermesse colorée. Des dizaines de cerfs-volants de papier naviguent dans le ciel. Des baffles de 3 m de haut hurlent les dernières chansons à la mode. Des stands proposent des sandwichs, des boissons, des cerfs-volants… Les papas apprennent à leurs enfants. Les mamans discutent. Robes colorés. Familles modernes et occidentalisées. Les coiffures des filles ne sont pas toujours couvertes. Des bandes de copains engagent des combats dans le ciel. Les oiseaux figés tombent doucement lorsque leur fil est coupé. De nouveaux combattants s’élancent à l’assaut du ciel. Des policiers patrouillent. Des danseurs en habits de lumière font des démonstrations. Tout ceci est bon enfant mais bien étriqué, bien peu spontané, bien encadré…

Nous repartons vers le centre-ville. Nous délaissons les voitures et nous nous enfonçons à pieds dans les ruelles étroites. Bien trop étroites pour les taxis, bien trop étroites pour les rickshaws. La foule n’est pas très nombreuse. Quelques échoppes ouvertes. Un vendeur de thé. Un boucher avec sa viande rouge et blanche suspendue aux crocs. Un marchand d’épices à l’étale éclatante d’oranges, de jaunes, de verts. Un couturier derrière sa machine. Quelques chèvres attachées attendent sous un transformateur. Tout en haut, nous apercevons difficilement quelques cerfs-volants.

P2250031

Nous interpellons quelques jeunes sur une terrasse. Ils nous invitent à monter. Ils viennent nous chercher. Une porte s’ouvre. Un escalier étroit aux marches trop hautes. Des lits debout sur les paliers. Des portes ouvertes sur des appartements trop petits. Nous montons. Un étage. Deux étages. Quatre étages. Cinq étages. Nous débouchons sur la terrasse.

Magie. Nous dominons la ville. A perte de vue, des centaines, des milliers de cerfs-volants inondent le ciel. Le spectacle est féérique ! Inimaginable ! Les terrasses sont bondées. Des milliers, des dizaines de milliers de personnes ! Toute la ville s’est donné rendez-vous sous les nuages ! Une rumeur monte de cette masse. Un grondement. La musique, de partout. Les cris. Les rafales de pistolets aussi. Les hommes manient les fils et engagent des combats avec les voisins. Les femmes papotent. Les enfants courent à la recherche des combattants vaincus avant qu’ils ne tombent dans les ruelles ou sur les toits inaccessibles. On boit du thé. On mange des grillades. On n’a pas dormi de la nuit et la fête va durer encore plusieurs heures. On s’interpelle d’une terrasse à l’autre. On est heureux. La fête ici est familiale, traditionnelle, enracinée depuis des générations, simple.

Ville Ville2

Les jeunes sont heureux de nous accueillir. Ils sont fiers. De toutes les terrasses, les visages se tournent vers nous, nous envoient des sourires, des saluts de la main, puis retournent à leurs combats pacifiques, bon-enfant. On nous offre du thé. On se prend en photo. On fait connaissance. Le muezzin lance son chant pour la prière du soir. Peine perdue. On priera plus tard. Demain.

Th_

Aujourd’hui, c’est Basant, la fête du printemps, la fête des cerfs-volants, la fête de la liberté.

Envol_e

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