Jouons encore...
Un jeu très rependu en Patagonie est celui de cache-cache... La seule petite variante par rapport au jeu que nous pratiquons en France, en Suisse ou ailleurs est le fait de choisir ses partenaires parmi les montagnes, et non parmi ses copains ou ses enfants...
Je vous explique les règles:
1. Sur une carte, un guide, une affiche, une carte postale ou dans un rêve, choisir une montagne séduisante par sa renommée, son histoire, sa beauté ou juste comme ça parce qu'elle a envie de jouer avec vous.
2. Lui fixer une date (ou un certain laps de temps) et un lieu de rendez-vous
3. Vous approcher discrètement et, avant qu'elle ne se cache, taper 3 fois sur un rocher de la main droite en disant "Coucou, je t'ai vue ¡"
Jouer avec une montagne de 2 000 ou 3 000 m de haut... Facile ??? Oui, mais nous sommes en Patagonie...
J'ai déjà jouer 5 fois... Je vous raconte:
Encore simple novice, ma première partie fut contre la Cerro Castillo. "Castillo", en espagnol, veut dire "château" (ou un truc comme ça). Et tel nom fut donné a ce noble sommet car son profil multiplie les pics et les aiguilles, tel, de loin, un château fort sombre et imprenable. Rusé, je décidais de m'approcher par derrière, en douce quoi, et de lui surgir sous le nez. Bing ¡ D'un coup ¡¡¡ Plein d'allant, je parti donc discrètement dans son dos, me cacha au plus profond d'une foret lugubre pour une nuit de veille, franchi avec célérité un col venteux et enneigé et déboucha, bang ¡, juste sous son nez ¡¡¡ Quelle farce ¡¡¡¡ Le Cerro Castillo m'avait entendu venir depuis longtemps et avait préparé son manteau de pluie et de nuages pour se masquer... Tenace, je décidais alors de camper a ses pieds et de l'avoir a l'usure. Las ¡¡¡ Le lendemain matin, celle-ci me chassa a coups de rafales de neige et me renvoya trempé et penaud dans la vallée...
Montagnes: 1
Yannick: 0
Ma seconde partie se déroula dans la Parc National des Glaciers, contre la Cerro Torre, magnifique et fière aiguille de granite dressant ses 1 300 m de falaises au-dessus des glaciers. Je décidais cette fois-ci de tout miser sur la vélocité. De bon matin (genre 9h...), je me mis en route, remontant simplement la vallée noyée au milieu de nuées de retraités en goguette et de Japonais en appareils (photo). Imbue d'elle même, la belle paradait, offrait son plus beau profil de star au soleil et aux objectifs numériques, se faisait admirer, rougissait sous les compliments des admirateurs, se donnait en spectacle. C'est donc sans réels efforts que je me plantais a ses pieds (donnant naissance a de magnifiques jambes galbées...) et hurlait la formule victorieuse pendant plus de 2h. La belle, surprise, essaya bien d'attraper un nuage ou deux pour se voiler, il était trop tard...
Montagnes:1
Yannick: 1
Ma troisième partie allait se révéler plus délicate, face au Fitz Roy, un vieux de la vieille a qui on ne la fait pas... Essayant de ruser, je décidais de m'approcher a l'abri du crépuscule. Avançant sur la pointe des pieds, je plantais ma tente sous son nez et, des l'aube, le lendemain, me ruait dans les derniers pierriers pour déboucher face au vieux renard. Sans espoir... Celui-ci avait patiemment tissé tout au long de la nuit un vaste vêtement de pluie et de brouillard qui le couvrait du haut en bas, ne laissant apparaître que ses orteils (et encore...). Je patientais 1h, recroquevillé sous les rafales avant de renoncer le coeur en déroute.
Montagnes: 2
Yannick: 1
Bon joueur, le Fitz Roy m'offrit cependant l'occasion d'une nouvelle partie pour le lendemain. Profitant alors des nuées qu'il avait si habilement rependu tout autour de lui, je m'éclipsais en douceur et décidait de le contourner par le nord avant de lui surgir sur l'épaule. Installant donc mon campement dans une vallée écartée, je me lançais dans mon ascension des le levé du jour et, allégé de mon sac abandonné aux frimât automnaux, je crapahutais a la vitesse du dahu aux milieux des pierriers enneigés et des séracs velus (je n'exagère presque pas) et bondissais sur l'épaule tant convoitée. Ahurissant de dextérité et de présence d'esprit, le majestueux Fitz Roy se blottissait alors derrière un camarade trapu et se voilait a nouveau a mes regards hagards et déçus.
Montagnes: 3
Yannick: 1
Dernière partie patagonienne, contre les Torres del Plaine, 3 écailles aussi célèbres qu'unis et face auxquelles les dentelles de Montmirailles, si chères a mon coeurs et mes doigts, semblent bien chétives et rachitiques... Usant de patience, je me lançais alors dans une nouvelle feinte: l'encerclement.... 120 km de sentiers, de glaciers, de rochers, de forets, de torrents et ... de pluie, de vent, de solitude... a vous faire tourner la tête. Or, c'est bien connue, les montagnes ne sont pas très souples du cou... Elles avaient donc du mal a me suivre, me perdant de vue, me retrouvant, au détour d'une vallée lointaine ou d'un col a l'horizon. Déboussolées, ne sachant comment réagir, elles alternaient les dissimulations aux éclats dans le soleil couchant, suppliant les nuages de rester, de revenir, avant de les laisser s'en aller pour finalement en supplier de nouveaux. Et c'est ainsi qu'au matin du 6eme jour, paf ¡ , me voici face a ses demoiselles, les surprenant au bain, illuminées de lumière. Vives, elles s'emparent des nuages qui les entourent, les tirent a elles, les retiennent. Elles se chamaillent, se disputent, déchirent quelques nuées a force de tirer a la hue et a la dia... Demi victoire... Demi défaite... Je les verrais toutes. Je ne les verrais jamais ensemble...
Montagnes: 3,5
Yannick : 1,5
Un conseil, avant de venir, entraînez vous bien avec votre petite soeur... Elles ne sont pas championnes du monde 2005 pour rien...
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