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23 octobre 2005

Bousculades (suite et fin) - dimanche 23 octobre

Bousculades (suite et fin) – dimanche 23 octobre

 

Bonne arrivée chers élèves pour la seconde partie de notre cours magistral sur les procédures d’enregistrement des réfugiés au Tchad. Aujourd’hui, nous traiterons de la 2ème phase de l’opération : l’enregistrement.

 

L’enregistrement consiste en la collecte d’un maximum d’informations sur chaque réfugié, renseignements qui permettront une meilleure approche des différentes actions d’assistance, que ce soit la distribution de vivres, de non vivres ou encore la mise en place des services de santé, d’éducation ou encore de protection. Celles-ci permettront également une meilleure organisation du rapatriement des réfugiés lorsque la situation sécuritaire et politique le permettra, d’ici… quelques années ?...

 

Tout comme lors de notre précédent cours, nous verrons dans un 1er temps le déroulement théorique de l’opération avant d’aborder l’application pratique sur le camp d’Oure Cassoni qui nous sert de base d’étude.

 

La théorie donc… Rappelons tout d’abord que chaque réfugié s’est vu doté d’un bracelet en plastique, numéroté et inviolable, fixé à son poignet gauche ou à son pied gauche pour les petits enfants, merci de suivre, au fond à droite !

 

Le processus se déroule donc comme suit :

  1. Le réfugié se présente avec sa famille à l’entrée de   la zone d’attente lorsque son bloc est appelé  
  2. Après un 1er contrôle par les leaders de   son bloc, la famille emprunte un couloir jusqu’à la zone de contrôle des   bracelets. Un vérificateur inspecte chaque bracelet et vérifie que celui-ci   n’est pas été rattaché, bidouillé, tripatouillé, bricolé…  
  3. La famille est prise en charge par un guide qui   l’emmène au contrôle des cartes de distribution  
  4. Le guide mène ensuite la famille dans la salle   d’enregistrement où une quarantaine d’agents reçoivent les familles et   remplissent les formulaires  
  5. La famille se présente à la sortie où le formulaire   est contrôlé et les bracelets détachés  
  6. Heureuse et détendue, la famille regagne sa tente et   attend la suite des réjouissances

 

 

En pratique, ça peut ressembler à ça…

 

  1. Le réfugié se présente n’importe quand, il bouscule   pour chercher à rentrer plus vite. Les leaders sont absents ou peu concernés.   La gendarmerie est appelé régulièrement pour remettre l’ordre à coup de bâton   dans les tibias (je recommande…)  
  2. La famille se présente au contrôle des bracelets.   Comme ils ont triché lors de la pause des bracelets, ils se présentent avec   une espèce de machin truc rafistolé avec de la ficelle, de la colle, du sucre   ou encore un bout d’épingle. La supercherie se voit comme le nez au milieu de   la figure mais les réfugiés nient farouchement. Ils en appellent aux leaders.   Tout le monde se met à palabrer, à argumenter. Les réfugiés font la grève,   rentrent chez eux et le processus s’arrête faute de combattant.    
  3. La famille est prise en charge par un guide qui ne   parle pas sa langue. A force de geste, il arrive tout de même à comprendre que   la carte de distribution n’appartient pas au chef de famille mais à un oncle   qui est rentré au Soudan et lui a confié le précieux bout de papier bleu et   déchiré. La famille est alors orientée vers l’équipe des litiges qui se lance   dans des recherches poussiéreuses parmi les dizaines de classeurs   d’archives.  
  4. La famille arrive auprès d’un agent d’enregistrement.   Si celui-ci a la chance de parler la bonne langue, des échanges ubuesques   débutent : « Vous avez 56 ans et ce sont vos 5 enfants,   madame ? Oui ? Mais l’aîné n’a que 6 ans ??? »   Variante : « Monsieur, ce sont vos deux femmes ? Non ?   Celle-ci est la sœur de votre seconde épouse qui est rentrée au Soudan avec 3   de vos enfants mais il faut tout de même que je les enregistre ? »   ou encore « Ce n’est pas votre enfant ? Celui de votre frère ?   non ? De votre cousin ? Non plus ? De votre voisin ? Et   vos enfants ? Avec votre voisin ??? »   Fantastique…  
  5. La famille se présente à la sortie pour le détachement   des bracelets. Les enfants fondent en larmes. Ils veulent garder ce magnifique   bijou…  
  6. La famille regagne sa tente et enfile un second   bracelet. Elle revient pour un 2nd tour. Autre variante : des   convois d’ânes et de 4x4 branque ballants quittent le camp, direction Bahaï ou   les autres camps… Et oui, nous avons enregistré la population locale ou encore   les réfugiés qui possèdent déjà leur carte un peu plus au sud… mais ne vous   inquiétez pas, ils reviendront tous lors de la prochaine distribution générale   de vivres !

enregistrement_petit

 

Une semaine de ce cirque. 24 000 réfugiés finalement retenus sur les 31 000 bracelets distribués lors du fixing. Pour les autres, c’est le début du processus de vérification. L’opération n’a été arrêtée au total que 5h pour des négociations avec les leaders et l’ordre d’évacuation n’a presque été lancé qu’une seule fois (dommage que les chauffeurs soient partis tout de même et qu’on ait perdu 1h à récupérer tout le monde…).

pause_petit

Place maintenant à l’informatisation de tout ça. D’ici 2 mois ??? Inch’allah ! Et bonne fin de ramadan !

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