Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
D'ici et d'ailleurs
16 octobre 2007

Entre les montagnes

Séance de diapositives, un soir d’été, dans le salon. Dehors, les criquets discutent avec la lune et philosophent sur l’amour et le réchauffement climatique. Dedans, des ombres avachies sur des canapés, étendues sur des tapis, un verre à la main, se laisse emporter par des images d’ailleurs, des noms aux consonances exotiques, des récits d’aventures sans exploit.

Ce qui m’a le plus marqué, à l’arrivée à Skardu, ce sont les dizaines de personnes qui, descendues sur le tarmac, prenaient l’avion en photo. Mais lorsque je me suis retourné, j’ai compris. Nous étions dans un cadre simplement magnifique. Entre la queue de l’avion colorée, le sable des dunes qui entouraient la piste, les arbres au feuillage doré par l’automne en arrière plan et les montagnes arides puis enneigées qui montaient, montaient, montaient jusque vers le ciel, nous étions ailleurs. Simplement ailleurs. Loin du quotidien, loin du banal, loin du connu et de l’habituel. Nous étions rentrés dans ces gros livres de photos artistiques sur l’Himalaya. Et tout était devenu réalité.

A_roport

La ville était froide et agitée. Nous avions quelques dernières courses à faire : du gaz, du pain, des pommes, une casserole. La ville était grise et poussiéreuse. Triste. Peu de couleurs. Que des hommes. Uniquement des hommes. Habillés en gris, en beige, en marron. Beaucoup d’agitation. Les magasins fermaient avant la prière de 13h, les gens rentraient chez eux. Beaucoup d’agitation mais peu de bruit. Pas de musique comme sur les marchés africains. Pas de cris comme sur les marchés arabes. Pas de rires comme dans toutes les régions où se rassemblent les jeunes. Pas de klaxon comme dans les villes indiennes. Non, juste un brouhaha général. Des hommes qui se parlent. Beaucoup qui regardent. Et finalement, après quelques dizaines de boutiques, les fameuses cartouches de gaz découvertes derrière un drap, tout en haut d’une étagère, dans un improbable Emmaüs spécialisé dans le matériel de montagne de seconde, voire de troisième ou quatrième main.

Skardu

Nous sommes à 2 300m. Le taxi vient de nous déposer. Face à nous, une gorge digne du Seigneur des Anneaux et des Terres brûlées de Saruman. Des falaises sombres encadrent un torrent d’argent. Tout est gris et noir. Un virage sur la droite nous cache la suite du chemin. Allons-nous entrer ? Tout semble à la fois sinistre et inconnu, étrange. Une envie de découvrir qui nous pousse. Quelques arbres colorés semblent marquer la porte de ce monde mort et désertique, derniers signes de vie, derniers au revoir.

D_part

Interminables éboulis. Interminables paysages stériles et rocailleux. Interminables parois qui zigzaguent, serpentent, et s’enfoncent toujours plus loin, toujours plus hauts. Chaque virage ne masque que son suivant, chaque pente ne masque que sa jumelle. Nous avons avancé dans le silence. Pas un crissement d’insecte. Pas un chant d’oiseaux. Pas un souffle d’air. Seuls les cailloux qui roulent sous les chaussures. Le souffle qui devient plus court. Le cœur qui bat dans la tête. Les sacs sont lourds sur les épaules. 25 km ! 25 km sans voir la fin. 25 km sans voir le sommet. 25 km de gorges encaissées, sombres et froides, monotones, envoutantes.

Gorges

4 300 m. Second bivouac. La vallée s’ouvre enfin sur la passe enneigée, sur des sommets acérés. Fin du chemin. Trop haut. Trop loin. Trop peu de temps. Trop d’obligations qui nous tirent vers le bas. Mais, en attendant, le soleil si doux sur la peau avant la nuit si froide. Les étoiles innombrables et scintillantes, une voie lactée royale qui semble dédoubler tout là-haut la vallée ici-bas. Le plaisir de s’enfoncer dans son sac de couchage si doux, si chaud, quand tout est si inconfortable dehors. Le thé. La soupe. Quelques paroles, presque des murmures. Un livre. Le silence. Si loin. Si bien.

4200

Retour à Skardu couleurs d’automne, teinté d’ors et de verts, teinté de vie. Sous les arbres, des maisons en briques de terre séchée, des enfants à l’école qui récitent leurs leçons, des hommes qui marchent dans la rue, mains derrière le dos et barbes en collier, en route vers des paroles à échanger, des femmes accroupies au seuil des maisons, voiles colorées sur la tête, papotant en cuisinant, discutant en lavant le linge, discourant en surveillant le bétail. Un immense village clairsemé et paisible qui s’étend sous les arbres. Pas d’herbe. Pas de fleurs. Pas de buissons. Les chèvres ont tout mangé, rasé, arraché. Et seuls les arbres à l’écorce protégée par des tissues pointent leur cime aux côtés des montagnes. Derniers regards. Dernières photos. Un avion à prendre.

Skardu_jaune

Publicité
Publicité
Commentaires
D'ici et d'ailleurs
Publicité
Archives
Publicité